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SI CE N’EST TOI (les os) C’EST DONC TON FRERE …

Qui c’est, ce Jacques ?

samedi 13 janvier 2007, par gerald cusin


Une petite boîte a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Il s’agirait ni plus ni moins selon M. Henri Tincq, le spécialiste es-religion du Monde, toujours prêt à frétiller de la plume dès qu’on parle de dieu, de Jésus ou du pape, d’une « pièce nouvelle dans le débat sur l’existence historique du Christ. » Rien que ça. ! L’ossuaire (boîte dans laquelle on rangeait les os des défunts après les avoir laissés pourrir quelques temps dans la terre) en question porte gravé en araméen : « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus. » On ignore son origine exacte : elle a été achetée dans les années 70 à un antiquaire de Jérusalem - lequel le tenait de fouilleurs clandestins -, par un ingénieur de Tel-Aviv qui l’avait payée à l’époque 200 dollars. Elle a été étudiée par un chercheur français, M. Lemaire, spécialiste en onomastique (étude des noms propres). Les prénoms de Jésus et de Joseph étaient assez fréquents, mais en les associant à Jacques, cela réduirait le nombre de personnes possibles à une vingtaine. Pour M. Lemaire, bien qu’il n’en ait, selon son propre aveu, aucune preuve, l’hypothèse selon laquelle il s’agirait de Jésus de Nazareth est « possible, voire probable »

Les principales attaques dirigées contre cette « découverte » (en dehors de la plupart des archéologues sérieux qui déclarent qu’une pièce étudiée hors de son contexte n’a aucune valeur), proviennent de l’Eglise catholique elle-même. En effet, si Jésus a eu un frère (d’origine non divine celui-là), cela remet en cause le dogme de la virginité de Marie. Laisser croire que Joseph ait pu faire un frère à Jésus avec Marie est une hérésie. Evidemment, comme vous n’avez pas reçu de culture religieuse, et que - par conséquent - selon les saintes écritures de St Régis, frère de St Jack, fils de St François, vous êtes incapables de comprendre les tableaux exposés au Louvre, vous vous demandez - avec angoisse - Mais qui est donc ce Jacques ?

Ne commencez pas, Malheureux !, à le confondre avec Jacques le Majeur, fils de Zébédé [1] , frère de Jean (l’évangéliste). Le Jacques en question est un autre apôtre, Jacques le Mineur, dit également le Juste, patron des chapeliers, que vous pouvez, lui, confondre allégrement avec Jacques, fils d’Alphée, bien que les évangiles soient assez obscurs sur ce point. Un autre des douze disciples. Ce Jacques là (s’il s’agit du même) était fils d’Alphée qui était l’époux d’une des Marie présente au pied de la croix, laquelle était dite « sœur (ou cousine germaine) de la mère de Jésus ».

Notre Jacques était donc le cousin germain (ou le frère, en araméen) de Jésus, lequel - comme tout historien sérieux le sait - n’a jamais historiquement existé. Il fut, selon la tradition, le premier évêque de Jérusalem et mourut martyr, le crâne fracassé par une pelle ou un bâton, après avoir été jeté du haut d’un mur, comme un œuf qui n’était pas dur. Les histoires de famille, ce n’est pas très simple, comme chacun sait. Mais cela se complique encore, comme vous allez voir.

Jacques, fils d’Alphée (qui est peut-être Jacques le Mineur, comme je l’ai déjà dit, suivez donc un peu !), ressemblait à Jésus comme le duc de Bordeaux, d’où son surnom de « frater domini » (frère du seigneur) donné par l’Eglise de Rome qui ne reconnaît pas de frère au Christ. Plusieurs explications à cela, évidemment : Soit il ressemblait à Jésus, parce que leurs mères étaient sœurs, et que les gênes d’Alphée et de Dieu étaient récessifs ; soit Joseph, ne pouvant à tout jamais, pénétrer le saint-lieu, s’est rabattue sur la première cousine venue : Cousin, cousine, ça tambourine, dit le proverbe, et en plus ça ne sort pas de la famille. Soit, enfin, Dieu, après avoir goûté à Marie, a pensé que la petite sœur n’était pas si mal non plus. Toujours est-il que Jésus sur la croix, dans un but de vengeance mesquine évidente, avant de mourir, a dit à Marie, en désignant Jean (son disciple préféré) : « Mère, voici ton fils » : rejetant ainsi le VRAI cousin - son double peut-être divin et qui lui rappelait trop des choses qu’il aurait préféré ne pas savoir. A moins bien sûr que le Christ n’ait voulu faire une dernière révélation sur les frasques de sa mère avant de partir, ce qui est franchement odieux. Mais là, on n’a aucune preuve sérieuse. Ce déballage de linge sale n’est en tous les cas pas à mettre à l’honneur de la sainte famille. Et M. André Lemaire ne s’est pas grandi en revenant, plus de deux mille ans après, remuer la merde.

D’autant plus que des polémiques évidentes vont surgir. Si l’ossuaire (vide maintenant) contenait effectivement les os de l’évêque de Jérusalem, à qui sont les reliques offertes par Charlemagne à la cathédrale St Sernin à Toulouse ?, je vous le demande. Cette donation est pourtant attestée par Louis XI en 1463. L’empereur à la barbe fleurie avait, en effet, arraché aux hordes islamiques, outre la dépouille de Jacques le Mineur, celles de Philippe, Simon, Jude, Barnabé et Jacques le Majeur (lequel est également enterré à Compostelle comme chacun sait), afin de les offrir à la cathédrale de la ville rose. Le syndicat d’initiative, on l’espère, ne va certainement pas se laisser dépouiller d’un de ses plus beaux fleurons sans réagir.

Mais ce n’est pas tout : Jacques a longtemps été fêté le 1er mai (actuellement le 11 mai, parce que maintenant, le 1er mai, on fête Joseph, le patron des travailleurs [2] ). Et pourquoi, le fêtait-on le 1er mai ? Et bien, je vais vous le dire bande d’ignares : Parce que c’est un 1er mai que les reliques de Jacques ont été transportées … à la basilique de Rome. Cela fait quand même beaucoup d’endroits pour un malheureux squelette ! Vous me direz : il se peut très bien que les restes du saint aient été trouvés à Jérusalem - au temps de Charlemagne - par un croisé qui les a découverts dans la petite boîte, et qui, ça tombe bien, lisait parfaitement l’araméen dans le texte. Pour ne pas s’encombrer de cette boîte de 50 cm sur 28 cm de haut, seule preuve de la réalité de sa découverte, il l’a vidée, tout en ferraillant d’arrache pied avec un maure alquaïdesque, et il a attaché les os qui avaient mille ans d’ancienneté (environ, ne chipotons pas), sur la selle de son cheval et, fouette cocher !, direction Toulouse (ou Rome, mais à cette époque les routes étaient mal indiquées). La boîte vide - telle la fameuse boîte noire - a été retrouvée, par la suite, mille ans plus tard, là où il l’avait laissée. (Preuve que les gens sont honnêtes.)

Je le reconnais, c’est une hypothèse possible, voire probable.

Notes

[1] (exgusez-boi)

[2] sans doute parce qu’ils sont, hélas, souvent les cocus de l’histoire.


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