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Un miracle qui tombe à pic

lundi 12 janvier 2009, par gerald cusin

Je suppose que beaucoup d’entre vous ont vu le célèbre film de Fritz Lang, M. Le Maudit avec Peter Lorre. Cet assassin d’enfants met la police sur les dents ce qui fait que la pègre ne peut plus travailler tranquille. Les truands s’emparent du malade, le jugent et le condamnent à mort dans ce qu’il est convenu d’appeler un procès truqué, un parodie de justice qui préfigure d’ailleurs la montée du nazisme. L’indépendance de la justice est un des fleurons de la démocratie, notamment depuis la Révolution française. Certes, il y a la théorie et il y a la pratique, mais le propos n’est pas là. Dans un procès en bonne et due forme, l’indépendance des juges, l’appel aux témoignages contradictoires sont de rigueur si on veut que justice soit faite. Et même comme ça, les erreurs judiciaires arrivent plus souvent qu’à leur tour.

L’Église catholique et romaine ne s’embarrasse pas de ce genre de détail. Feu le pape Jean-Paul II a canonisé à la grosse Bertha plus de saints que tous ses prédécesseurs réunis. Juste retour des choses, son procès en béatification puis en sainteté (canonisation) est mené tambour battant par le Saint Siège. Le Vatican est d’ailleurs le seul pays où l’on accouche toujours des saints par le siège [1]. C’est en juin 2005, trois mois après sa mort, que le président du tribunal diocésain a été officiellement saisi de l’instruction de l’affaire. C’est un juge d’instruction qui travaille sans idée préconçue – et personne n’ira lui faire les reproches qui ont récemment été adressés à certain petit juge – d’ailleurs il a déclaré, à peine après avoir été nommé : « Nous demandons au Seigneur, de tout notre cœur, que la cause de béatification et de canonisation qui a commencé ce soir puisse parvenir très vite à son couronnement. » C’est vous dire s’il est impartial et méticuleux. De plus, le tribunal siège à huis clos, c’est vous dire qu’il n’a rien à cacher.

Pour avoir l’appellation contrôlée de base « bienheureux », il faut un miracle posthume, c’est dans le règlement, on n’y peut rien. L’avocat du pape Slamowir Oder (de sainteté évidemment) a ouvert un site internet : si vous avez bénéficié d’un miracle attribuable à Jean-Paul II surtout n’hésitez pas à vous mettre sur les rangs.

Une femme polonaise a déjà fait savoir qu’elle avait réussi à être en sainte (pardon, enceinte) après avoir vue la dépouille du pape [2]. Bon, ça faisait un peu trivial pour un miracle de pape et on n’a pas retenu la chose.

Le tri est très sélectif, comme dirait le maire de Bègles. Ainsi, aucun des Africains, Latino-américains qui ont déclaré avoir suivi à la lettre les recommandations du défunt pape en refusant le port du préservatif et avoir malgré tout échappé à la mort, n’a été reconnu comme miraculé. Too bad !

Enfin, un témoin digne de foi, sans aucun rapport avec la hiérarchie de l’Église est apparu. C’est en soi un miracle d’ailleurs. La sœur Simon Pierre, des petites sœurs des maternités catholiques.

C’est fou le nombre bonnes sœurs qui sont bénéficiaires des miracles attribués aux récents béatifiés et canonisés [3]. « Au moins, ça ne sort pas de la maison » aurait soupiré une source vaticane non officielle. C’est comme si les seuls gagnants au Loto étaient les employés de la Française des jeux (qui, je crois d’ailleurs, n’ont pas le droit de jouer au loto, mais je n’en suis pas sûr). Tout le monde trouverait ça louche : mais pour le pape, personne ne trouve rien à y redire, tout le monde s’extasie, au contraire, dans nos étranges lucarnes. En plus, une Française !, vous pensez si on est fier de ce côté-ci des Alpes.

En plus, elle était atteinte de la même maladie que le pape, la maladie de Parkinson. Après tout, on ne peut que se réjouir, si elle est désormais en bonne santé. Nous ne voulons pas, à la Libre Pensée, la mort du pêcheur.

Un miracle qui en appelle un autre

Outre le fait que, une fois la bienheureusitude obtenue, il faudra un second miracle pour obtenir l’appellation délimitée de qualité supérieure, ce miracle dans une maternité aura peut-être eu des retombées inattendues. Vendredi 20 avril dernier, le Vatican a annoncé qu’il renonçait au dogme augustinien des limbes. Si vous n’êtes jamais allé au caté, vous ne devez pas savoir de quoi je parle. Pour faire court, c’est un lieu qui n’est ni le paradis, ni l’enfer et dans lequel errent les âmes des enfants morts avant d’avoir eu le temps d’être baptisés. Ça nous terrifiait, nous les mômes, quand le curé évoquait la chose : on trouvait ça particulièrement injuste, et le bonhomme, un peu gêné, nous disait que souvent, les sages-femmes catholiques baptisaient « provisoirement » l’enfant qui venait de naître, genre : ni vu ni connu, je t’embrouille le Saint-Pierre. D’où l’intérêt évidemment, des maternités catholiques et des petites sœurs du même nom [4].

Il y a un hic, cependant. Si l’Église admet que les enfants non baptisés, sans possibilité de choix ni responsabilité seront malgré tout sauvés, cela signifie que le pêché originel, n’est plus si originel que ça. A la limite, on peut se dispenser de baptême tant qu’on n’a pas commis de pêché [5]. Il est vrai qu’avec tout ce que l’Église catholique considère comme pouvant être un pêché, on doit rapidement avoir besoin de se rafraichir dans le bénitier.

On peut seulement espérer maintenant que toutes les âmes des enfants morts-nés ou morts dans les premiers jours, et qui séjournaient depuis le IVème siècle dans ce no man’s land de la rédemption, vont obtenir non seulement leur billet d’entrée, mais encore des dommages et intérêts. Ce ne serait que justice pour revenir à ce que je disais plus haut.

Notes

[1] Ce n’est même pas la peine d’écrire au journal pour vous plaindre, je vous ai déjà dit que je n’avais aucune honte

[2] Ça me rappelle une chanson « Mais non, mais non, St-Eloi n’est pas mort ... » je ne me rappelle plus la suite

[3] C’était déjà le cas, il y a peu pour le procès en béatification de feu le dernier empereur d’Autriche.

[4] Quoique, évidemment, cela va leur faire désormais un manque à gagner.

[5] Cela éviterait une fête dispendieuse et apporterait un peu de morale et d’éducation dans les familles catholiques.


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